Discours d'Annick Girardin lors du cocktail de la Fédération des industries nautiques au salon Nautic de Paris

Mis à jour le 10/12/2021

Discours

Seul le prononcé fait foi

Monsieur le président de la Fédération des industries nautiques (FIN),

Mesdames et Messieurs, chers amoureux de la mer,

C’est un réel plaisir pour moi de m’exprimer devant la grande famille du nautisme. Vous le savez, c’est un secteur qui m’intéresse au plus haut point : pour des raisons maritimes évidentes, mais aussi pour une raison plus politique, assez particulière, que je souhaite partager avec vous aujourd’hui.

Le secteur nautique est l’un des rares secteurs d’activité qui ne considère pas l’État comme un acteur essentiel à son développement. C’est suffisamment rare pour être remarqué.

Et cela interroge sur le rôle de la puissance publique, sur sa juste place, sur la manière avec laquelle nous pouvons être le plus utilement, aux côtés du secteur, à vos côtés.

Parce que si les chiffres sont bons, en matière d’emplois, d’exportation, de croissance industrielle, et si on peut se féliciter de votre capacité de résistance à la crise sanitaire, de votre résilience – c’est très à la mode –, cela ne veut pas dire que nous ne pourrions pas ensemble, être encore meilleurs.

Mes nombreux déplacements sur le littoral français me confirment qu’il existe des axes de progrès. Les élus, les professionnels de la sécurité, les entreprises et même des plaisanciers souhaitent voir les lignes bouger.

C’est la raison pour laquelle j’ai demandé à Yves Lyon-Caen et Guillaume Sellier de travailler sur des propositions concrètes qui permettront de mieux appréhender le nautisme de demain.

Vous m’avez remis vos travaux cette après-midi et la densité de vos propositions prouve qu’il est plus qu’utile que nous travaillions plus ensemble.

Je vous avais demandé de réfléchir sur quelques grands sujets :

  • la transition écologique de la filière ;
  • l’accompagnement de l’innovation ;
  • la promotion des pratiques responsables ;
  • l’accès à la plaisance ;
  • les simplifications règlementaires.

Vous avez fait plus de 40 propositions : certaines demandent d’accélérer des actions déjà menées, certaines défrichent des champs nouveaux, certaines, comme sur le statut des navires, chamboulent nos certitudes.

Il ne faut rien lâcher et vous pouvez compter sur moi.

Je reviendrais sur ces propositions, mais avant tout je voulais partager un point : je vous l’ai dit, j’ai sillonné le littoral français, de ports de pêches en ports de plaisance, de côtes sauvages en chantiers navals, sur toutes les façades, dans presque chacun des 26 départements côtiers de métropole.

Et j’en reviens parfois inquiète : inquiète de voir que nous peinons à prendre à bras le corps la question du verdissement des ports, inquiète de voir, surtout en été, la sur-fréquentation de la bande des 300 mètres, avec des usagers parfois irrespectueux du milieu, inquiète de voir d’immenses parking où s’entassent des épaves quand elles ne sont pas oubliées dans une crique. Inquiète en fait d’imaginer que le seuil d’acceptabilité pourrait être un jour dépassé !

C’est pour cela que vos propositions sur le cycle de vie des navires sont essentielles, c’est pour cela qu’il faut accélérer dans les filières la Responsabilité élargie des producteurs (REP), c’est pour cela que l’ouverture du CORIMER aux petits projets, dont ceux du nautisme, doit être accentuée, car il faut penser et travailler sur la décarbonation, c’est pour cela que nous travaillons à la refonte du permis de plaisance, c’est pour cela que j’ai négocié une enveloppe de 50 millions d’euros  dans le cadre du plan tourisme pour accompagner concrètement la transition écologique de la partie « utilisateurs » de la filière.

Mais, rassurez-vous, ma nature profondément optimiste prendra toujours le dessus sur l’inquiétude.

Et nous avons des raisons d’espérer.

 

D’abord parce-que nous avons mis en place des outils efficaces de transformation, c’est le cas du plan de relance. Je vais donner quatre exemples concrets :

  • Les 130 employés de Nautitech à Rochefort, spécialisé dans la construction de catamarans innovants et écoresponsables, bénéficieront ainsi de la digitalisation de leurs outils de conception et de fabrication.
  • C’est aussi La Ciotat Shipyards, spécialisé dans l’entretien des grands Yachts, qui va pouvoir moderniser sa grande grue mobile.
  • C’est encore le chantier Catana de Canet-en-Roussillon, spécialisé dans la conception et la fabrication de catamarans de croisière et qui pourra créer de nouveaux bâtiments tout en investissant dans de nouveaux moyens de production. 16 emplois seront créés d’ici 3 ans pour venir renforcer les 36 membres de l’équipe actuelle.
  • Et c’est aussi le site de Cherbourg-en-Cotentin du Groupe Grand Large, spécialisé dans les voiliers de grande croisière et d’exploration en aluminium, qui va pouvoir augmenter sa capacité de production avec un nouveau bâtiment et 32 créations d’emplois, qui viendront s’ajouter aux 64 personnes qui y travaillent.

Optimiste car nous travaillons à vos côtés et avec les collectivités pour le recensement des épaves.

Optimiste aussi car nous avons mené une action résolue sur les mouillages écologiques écoresponsables notamment en Méditerranée.

Qui peut croire que les plaisanciers continueront de naviguer dans les eaux méditerranéennes si nous n’organisons pas des mouillages qui préservent réellement les herbiers de posidonies ?

Le mouillage des navires de plus de 24 mètres a été encadré après un important travail de concertation avec les acteurs des filières impactés. J’ai souhaité que la valorisation de la filière du yachting et de son écosystème soit au cœur des discussions, afin de promouvoir un secteur économique à la fois dynamique et attaché à la préservation de l’environnement.

Vous le savez, la moitié de la flotte mondiale de yachts vient en Méditerranée. Une grande partie sur notre littoral, pour sa beauté et notre capacité à le préserver, mais aussi car les chantiers d’entretien et de maintenance sont de très grande qualité.

La grande plaisance génère chaque année 3 milliards d’euros de retombées économiques. Il faut le rappeler.

Et pour donner encore plus de souffle, j’ai souhaité promouvoir à Cannes en septembre dernier une dynamique« Yachting France » une idée construite avec les professionnels et les collectivités territoriales pour valoriser la destination France. J’ai obtenu un financement dans le cadre du plan tourisme.

 

Je suis optimiste, mais exigeante.

Un sujet me vient à l’esprit : celui de la Responsabilité élargie du producteur (REP) dont j’ai parlé précédemment.

Cette filière de déconstruction est récente, et après un démarrage difficile, un réseau s’est mis en place mais le nombre de navires déconstruits n’est pas à la hauteur de nos ambitions.

En début d’année, nous étions convenus de tenir compte des objectifs annuels et non des objectifs cumulés. Pour  2021, l’objectif était fixé à 4 700 navires déconstruits, nous n’y sommes pas (3 300 en tout depuis 2019). Il est sans doute nécessaire de s’interroger sur la mise en œuvre de la REP car l’Association pour la plaisance éco-responsable (APER) ne parvient pas à dépenser le soutien public qu’elle reçoit depuis 3 ans ; nous pourrons justifier, le cas échéant, d’une aide financière supplémentaire, en particulier en 2023, lorsqu’entrera en vigueur l’obligation de prise en charge du transport, une fois l’analyse du modèle établie sur un temps long.

 

Là où je suis encore plus exigeante, et je sais que nous partageons ce point de vue, c’est sur les formations : l’industrie recrute, la plaisance recrute et le nautisme recrute !

Pour autant trop de postes sont non pourvus, c’est le constat que j’ai fait lors des déplacements sur le terrain, et c’est aussi le constat que vous faites dans vos propositions.

À l’heure des grands plans de ré-industrialisation de notre pays, nous devons collectivement changer notre regard sur ces métiers, le plus tôt possible, c’est-à-dire dès l’école.

La généralisation du « brevet d’initiation à la mer » est une excellente démarche qui s’inscrit dans ce sens. Je suis persuadée qu’elle permettra à de nombreux jeunes de réaliser la richesse des carrières et l’intérêt de ces métiers. C’est au collège qu’il faut dire qu’il est noble aussi de créer de ses mains, que l’on peut être fier d’un savoir-faire artisanal ou industriel.   

La filière des industriels de la mer doit également concentrer cette grande ambition et accentuer ses efforts. Je salue à ce titre l’action résolue du campus des industries navales (CINAV) dans lequel je souhaite que vous puissiez plus vous investir. J’attends également beaucoup d’une convention collective unique « industrie et services nautiques ».

Veillons à ne pas enfermer ou cloisonner des parcours. Je crois beaucoup à la politique menée par la filière des industriels de la mer qui a mis en place les certificats de qualification professionnelle.

L’emploi industriel est une priorité du Gouvernement. Nous poursuivrons nos efforts pour le maintenir et le développer. Je salue les initiatives qui se déploient sur tout le territoire comme les Campus des métiers et des qualifications (CMQ) spécialisés sur le nautisme, dans les Pays-de-Loire, en Occitanie, en Bretagne ou en PACA.

 

En fait je crois que tout est lié : le secteur maritime est une grande famille où nous devons construire des passerelles.

J’ai assisté à la signature d’une convention entre l’ENSM (L’Hydro) et la Fédération française de voile car nous allons doubler les effectifs de l’école de formation des officiers de la marine marchande, comme l’a annoncé le président de la République lors des Assises de l’économie de la mer à Nice.  Et je sais que ceux qui choisissent la voile comme sport sont des amoureux de l’océan. Ce sont des marins, ils sont une cible prioritaire de la transformation que nous engageons.

Il est temps d’opérer un rapprochement des « cultures ».

 

Autre sujet connexe : les navigatrices et navigateurs de course au large m’ont sollicité par l’intermédiaire de Yannick Bestaven pour obtenir une reconnaissance de leur métier dans le droit. C’est chose faite, c’était même une évidence au regard de leurs qualité exceptionnelles de marins : ils auront dorénavant accès à une validation des acquis de l’expérience spécifique pour obtenir le titre de marine marchande Capitaine 200 voile "pont".

Ce dispositif est construit par le ministère de la mer avec la Fédération française de voile et en accord avec le ministère des Sports.

 

Sur le sujet des formations, j’ai une autre  exigence. Celle de la refonte du permis plaisance.

Les sauveteurs sont épuisés par les imprudences et les incivilités. La mer est milieu complexe, qui nécessite d’être humble, où les éléments sont rugueux, où l’expérience est reine, où la sécurité est essentielle.

 

Je souhaite que nous portions une réflexion sur les usages et les usagers. Sans faire de concession. Car au-delà des sujets environnementaux et de sécurité, nous observons tous des comportements qui n’ont rien à faire en mer.

Je pense à ces bateaux ravitailleurs en alcools pour des navires au mouillage dans des zones protégées, je pense à ces écrans flottants géants qui matraquent des slogans publicitaires souvent bruyamment, je pense à ces bateaux boite de nuit, et à tous ces usages nouveaux dont nous devons rapidement interroger la pertinence au regard de leur nuisance. Nous avançons doucement car c’est difficile, un décret encadrant les écrans géants flottants sortira avant l’été.

La plaisance se popularise, c’est une excellente nouvelle, mais nous devons, en responsabilité, construire ensemble et avec les élus locaux, le chemin soutenable de cette croissance.

J’ai d’ailleurs œuvré pour que des moyens concrets soient mis à disposition Et c’est pourquoi j’ai demandé au Premier ministre d’inclure dans le Plan tourisme « Destination France 2030 » un volet sur le tourisme maritime durable.  

 

Concrètement, au niveau des crédits, 20 millions d’euros sont dédiés aux mouillages sur 3 ans : cela permettra le développement des Zones de mouillage et d'équipements légers (ZMEL) et les coffres de grande plaisance.

Ce sont aussi 30 millions d’euros sur 3 ans dédiés au verdissement et à la modernisation  des ports de plaisance et des bases nautiques. Parce que les ports ne peuvent plus être les oubliés de cette politique littorale.

Ce sont aussi, et c’est un sujet qui me tient à cœur, les 15 millions d’euros dédiés à France vue sur mer, pour la rénovation des portions du sentier du littoral et la mise en valeur de notre patrimoine maritime.  Ce projet démarré en mars est un succès : plus de 70 collectivités sont d’ores et déjà bénéficiaires et nous avons rendus aux Français plus de 300 km de sentier en quelques mois.

Plus largement, consciente des réalités des territoires, j’ai souhaité, dès mon arrivée intervenir au plus près des projets du quotidien. Je me suis donc battue pour pouvoir disposer, dès 2022 d’un nouvel outil financier , le Fonds d’intervention maritime (FIM), doté de 17,5 millions d’euros qui nous permettra d’intervenir auprès des collectivités, des associations, des filières. C’est un début, et le combat devra être poursuivi.

 

Mais surtout, je le dis devant vous, je suis optimiste car j’ai devant moi une filière soudée qui fait partie de la grande famille du maritime.

Je suis Ministre de la mer  et j’ai été heureuse de rappeler avec Agnès Pannier-Runacher l’importance de la solidarité entre les différentes composantes de votre filière et votre bonne intégration dans l’ensemble de l’économie bleue.

La solidarité a été le fil conducteur du « Fontenoy du maritime » pour la marine marchande, je le dis devant vous, cela doit l’être aussi pour les industriels de la mer.

Le secteur nautique est porteur d’innovations, de toutes sortes d’innovations, nous avons l’occasion d’en voir les marques très concrètes avec l’Espace innovation du Nautic, qui, cette année encore, propose de nouvelles pistes pour la transition énergétique et écologique du nautisme.

Je sais combien vous avez milité pour une adaptation des procédures du CORIMER aux petits projets. C’est chose faite et il faut y participer.

 

Je suis une femme d’actions, c’est pour cela que j’ai souhaité qu’une Direction générale de la mer soit mise en place dès 1er janvier 2022.

Nous voulons tous une administration moderne, tournée vers l’usager et vers la mise en œuvre concrète des politiques publiques. Une administration qui offre de multiples perspectives de carrière, des possibilités de mobilité partout en France. Une administration qui n’ait pas peur de se remettre en question et une administration je le dis souvent, capable de faire des pas de côtés, capable de dépasser ses cadres pour être proche des usagers, une administration à l’écoute, et dans la recherche de solutions.

Je souhaite que la plaisance, les sports et les loisirs nautiques y trouvent toute leur place, avec un interlocuteur administratif unique, identifié, réactif avec les usagers de la mer.  Vous avez été patients, enfin l’administration de la mer arrive au service des usagers. Outre la poursuite du travail que font les services sur les immatriculations, la sécurité, la planification, cette DG mer aura pour missions principales sur le nautisme :

  • la consolidation de l’observatoire des ports de plaisance ;
  • la poursuite de la réforme du permis plaisance en particulier dans son volet environnemental et stimuler l’offre de formation continue ;
  • la valorisation des travaux de l’observatoire des accidents des loisirs nautiques SNOSAN (avec le sports, le ministère de l’intérieur, la SNSM) pour qu’il participe à une prévention efficiente ;
  • une meilleure articulation avec les actions de l’OFB, dans sa partie maritime pour promouvoir des usages mieux intégrés dans les aires marines protégées ;
  • une meilleure mobilisation de l’ENVSN, opérateur public en matière de nautisme pour notamment mieux positionner le nautisme dans les documents de planification, dans les parcours de formation maritime.

Tout cela est concret. Par exemple, vous savez que j’ai décidé de regrouper les formalités d’immatriculation et francisation des navires dès le 1er janvier prochain au sein d’un guichet unique placé à Saint Malo.

Aux équipes de la DAM et  aux opérateurs qui sont sur ce salon je dis un grand merci.

La transformation est en marche.

 

Mesdames, Messieurs, je serai encore là à vos côtés dans les jours à venir pour continuer à connaître, à mieux connaître et défendre la grande famille du nautisme, pour l’économie de la mer, pour la mer et le monde maritime.

Vive la plaisance et longue vie au salon nautique !