Discours de Fabrice Loher - Assises de l’économie maritime à Bordeaux
Mis à jour le 19/11/2024
Discours
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Seul le prononcé fait foi
Messieurs les ministres, cher Jean-Yves Le Drian, cher Hervé Berville,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Monsieur le président de la région Nouvelle-Aquitaine, cher Alain Rousset,
Monsieur le Maire de Bordeaux, cher Pierre Hurmic,
Monsieur le Secrétaire général de la mer,
Monsieur le chef d’Etat-major de la Marine, amiral,
Monsieur le préfet maritime, amiral,
Monsieur le sous-préfet, qui représentez Monsieur le préfet de région,
Messieurs les directeurs généraux, Monsieur le directeur général des affaires maritimes, de la pêche et de l’aquaculture, cher Eric,
Madame la présidente du Cluster Maritime, Chère Nathalie Mercier-Perrin,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis du maritime, en vos titres et qualités,
A l’heure de m’exprimer devant vous, deux mois à peine après ma prise de fonction, je suis habité par des sentiments mêlés. La fierté de m’adresser aujourd’hui aux représentants de la grande communauté française du maritime, unie, influente, et solidaire. Une communauté dont je mesure tout ce que notre pays, nos territoires et notre économie lui doivent.
La solennité, la gravité même, liée à l’époque que nous traversons, aux défis qui se dressent devant nous, aux attentes et aux doutes de nos concitoyens [comme ceux que le monde agricole exprime de nouveau à travers toute la France et ici même, à Bordeaux aujourd’hui]. Tout cela interpelle l’élu et le ministre que je suis, comme cela, je le sais, interpelle chacun d’entre vous.
La fierté, la solennité, L’humilité aussi, devant la complexité des sujets que je m’apprête à évoquer. Leur complexité et leur cohérence. Car pour paraphraser un de nos auteurs classiques : à la mer tout se tient, les sciences et les arts, les armes et les lois. Cinq siècles plus tard il aurait pu ajouter : le développement économique et la préservation du milieu marin…
En avril 1941, alors qu’il vient de remporter de premiers succès militaires sur le continent africain, le général de Gaulle fait route vers Le Caire, avec pour projet d’implanter la France libre au Levant. Dans ses Mémoires, il écrit : « Vers l’Orient compliqué, je volais avec des idées simples ». Je n’ai aucune prétention de me mettre à sa hauteur, mais je dois vous dire qu’en cheminant vers Paris après avoir accepté cette responsabilité ministérielle, je nourrissais moi aussi l’idée que je venais, à ma manière, de Lorient, dans un contexte compliqué, avec des idées simples. Des idées simples et des convictions fortes, qui sont pour moi des ancres, et que je souhaite partager avec vous.
La première qui m’anime, en tant qu’élu local comme en tant que ministre, c’est que derrière chaque politique publique, derrière chaque loi, derrière chaque décision, il y a d’abord et avant tout des femmes et des hommes. Celles et ceux qui font vivre notre économie maritime, et que je rencontre à chacun de mes déplacements.
Ce sont eux que j’ai à l’esprit ce matin, et que j’aurai en tête à chaque instant, en exerçant mes responsabilités.
Je pense par exemple à Rachelle et Orama, qui viennent de faire leur rentrée à l’ENSM, et qui se demandent sur quel type de navire, et à l’aide de quel type de propulsion, ils exerceront demain leur métier de marin.
Je pense à Sébastien, patron-armateur d’un chalutier, qui pratique son métier avec passion dans le golfe de Gascogne. Qui constate bien une présence inédite de dauphins auprès des côtes et qui s’interroge sur l’avenir de son métier, alors même que lui et ses collègues sont régulièrement critiqués dans les médias.
Le ministre aussi, je vous rassure !
Je pense également à Béatrice, ostréicultrice du bassin d’Arcachon, ou à Laurence, qui exerce le même métier en baie du Mont-Saint-Michel. Elles se lèvent tous les matins pour aller travailler sur leurs parcs, et elles sont préoccupées par la qualité des eaux côtières. Avec la crainte d’une fermeture sanitaire, quelques semaines seulement avant les fêtes de fin d’année.
Ce qui me fait penser à Arnaud, qui travaille dans les services de l’Etat sur le littoral, dans mon ministère, comme plus de 3 000 hommes et femmes. Arnaud dont les missions consistent justement à garantir la bonne application de cette réglementation sanitaire et, plus généralement, l’administration de la mer et du littoral. Il croit fermement à l’utilité de sa mission, au fait qu’elle sert l’intérêt général. Mais il lui arrive aussi de s’interroger sur la façon de mieux en expliquer le sens à nos « usagers », à ses « administrés ». Au public.
Je pense à Thomas, soudeur sur un chantier naval à Saint-Nazaire depuis bientôt 30 ans, qui part prochainement à la retraite et qui se demande quel jeune prendra sa relève. Lui qui est fier de contribuer à produire dans ces chantiers, sur ce territoire emblématique de notre industrie navale, des navires parmi les plus renommés du monde.
Je pense à Guillaume, officier marinier sur une frégate, qui part en mission en mer rouge pour garantir la liberté de circulation sur les océans, et la sécurité des navires de commerce qui approvisionnent notre économie.
Des navires comme celui de François, commandant d’un porte-conteneur sous pavillon tricolore. François qui est fier de naviguer sur un navire qui utilise une propulsion innovante et décarbonnée, pour lequel son armateur a pu bénéficier d’un régime fiscal adapté, et pour lequel l’équipage français a pu bénéficier d’une formation performante, au service de la conduite du navire et de la sécurité maritime.
Ce qui me fait penser aux maires de nos communes littorale, régulièrement interpelés sur les difficultés de leurs habitants à se loger. Tous sont des élus locaux. Comme des dizaines de milliers de leurs semblables, réunis aujourd’hui même au salon des maires, ils consacrent leur énergie aux femmes et aux hommes qui font vivre leurs territoires, nos littoraux, qu’ils défendront toujours. Comme chacun d’entre vous le fait pour les femmes et les hommes qui forment vos équipages, et qui constituent les visages et le cœur de notre économie maritime.
C’est d’eux dont je voudrais vous parler aujourd’hui, Mesdames et Messieurs. Car dans toutes les décisions que je prends et que je prendrai, ce sont Rachelle, Orama, Sébastien, Béatrice, Laurence, Arnaud, Thomas, Guillaume, François, et tous les élus de nos territoires littoraux, que j’aurai à l’esprit. Eux qui sont fiers de contribuer à l’économie maritime de la France, à sa souveraineté et à son rayonnement.
Première conviction donc : il n’y a de valeur que d’hommes et de femmes. La seconde conviction que je porte, c’est qu’être français c’est nécessairement avoir partie liée à la mer. Parce que la France c’est, grâce à nos outre-mer, une présence sur quatre océans, et des espaces maritimes sous juridiction plus étendus que ceux de tout autre État du globe, à l’exception des États-Unis d’Amérique. C’est une marine océanique de premier rang.
La plus puissante du vieux continent, qui contribue à nous assurer un poids réel dans les grands équilibres internationaux, et qui concourt à notre sécurité. C’est une grande puissance économique et commerciale, dans une Europe qui reste, elle aussi, un pôle économique mondial majeur. Une puissance économique dont les fondations maritimes ont toujours été, et demeurent, déterminantes.
La France c’est une pêche plurielle, composante à part entière de notre souveraineté alimentaire, qui couvre tout le spectre des métiers. Du ligneur qui cible le bar dans le raz de Sein, au palangrier surgélateur qui travaille dans les eaux froides des Terres Australes et Antarctiques Françaises. En passant par le navire artisan qui drague les gisements de coquille Saint-Jacques en baie de Seine, le chalutier costarmoricain qui va travailler dans les eaux britanniques, celui de Sète qui ramène chaque jour rougets, pistes et poulpes, ou encore la saintoise des Antilles.
Chacun dit quelque chose de nos produits de la mer, de notre gastronomie, de notre culture, de l’identité de nos littoraux, de la tradition maritime de notre pays. Chacun participe aussi à signer la présence de la France sur les océans, et d’abord dans notre zone économique exclusive, dont ils participent à valoriser les ressources halieutiques de l’hexagone et de nos outre-mer.
Dans un monde confronté à une série de crises, je défends l’idée, et je sais quelle est partagée par cette assemblée, que la dimension maritime de notre pays constitue -plus que jamais- une grande responsabilité, et un immense atout.
Afin d’être à la hauteur de cette responsabilité et pour exploiter ces atouts, notre politique maritime doit reposer sur une méthode, au service d’une stratégie.
Deux dimensions sur lesquelles j’irai à l’essentiel.
La stratégie, c’est la stratégie nationale pour la mer et le littoral (SNML), adoptée en juin dernier : une boussole dont s’est doté l’Etat, avec la communauté maritime. Notre action s’inscrit dans la pleine continuité de ce document stratégique qui fixe un cap pour les six prochaines années.
Et je confirme que le gouvernement lancera tout prochainement une mission inter inspections qui examinera les modalités de financement de cette stratégie.
Quant à la méthode que je souhaite promouvoir au service de cette stratégie, elle repose sur trois piliers complémentaires.
La planification, d’abord. Dans mon esprit, cette notion renvoie à la fois à l’État stratège, capable de voir loin et de transcender les intérêts sectoriels. A l’État garant et animateur d’une gouvernance et d’un dialogue loyal entre les acteurs. Et enfin à l’exigence de la territorialisation de nos politiques publiques.
En tant qu’élu local, et ministre délégué au sein du grand ministère du Partenariat avec les Territoires et de la Décentralisation de Catherine Vautrin, je suis évidemment tout particulièrement sensible à cette dernière dimension car « territorialiser », c’est faire atterrir nos concepts et nos politiques dans nos territoires, au plus près des citoyens.
Le deuxième pilier, c’est la place donnée à la science dans la décision publique. Parce que j’ai la conviction, comme Jacques-Yves Cousteau en son temps, que « l’on aime ce qui nous a émerveillé, et on protège ce que l’on aime ». J’étais voilà quelques semaines à bord du Pourquoi Pas, l’un des navires de la flotte océanographique française, avec mon collègue ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, pour célébrer les 40 ans de l’IFREMER, dont je salue le PDG. A cette occasion, j’ai été frappé par les mots des scientifiques qui résonnent avec ma conception du lien entre la science et l’action publique. C’est nourrir SANS détruire, prélever ET préserver. Connaître ET valoriser. Se projeter pour garder un temps d’avance.
Face au changement global, qui affecte d’abord les océans, et dans la gestion des différents défis sectoriels qui se présentent à nous, nous avons besoin d’outils scientifiques performants, d’hommes et de femmes innovants, de la science au service de l’action, pour asseoir nos décisions sur un débat raisonnable, étayé par des faits et des analyses objectives.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement fait du projet MERCATOR une priorité, en développant un modèle de jumeau numérique de l’océan, dans le cadre d’une organisation intergouvernementale dont la France a vocation à accueillir prochainement le siège. Ce besoin d’appui scientifique vaut aussi pour la gestion de nos ressources halieutiques et aquacoles. Et je signerai prochainement, aux côtés de plusieurs membres du gouvernement, un nouveau contrat d’objectifs, de moyens et de performance pour l’IFREMER. Il confortera le modèle et les financements de l’établissement, au titre notamment de ses missions de service public.
Le troisième pilier auquel je suis personnellement très attaché dans la méthode d’action que je souhaite porter, c’est d’agir en Français ET en Européen.
Pour faire face au changement global et aux chocs multiples auxquels notre pays est confronté, et pour lesquels le secteur maritime est en première ligne, ma conviction est que la France a besoin de peser de tout son poids au sein d’une Europe souveraine, unie et démocratique. Elle doit le faire pour affirmer, en européenne, sa capacité à décider selon ses intérêts propres.
Et pour porter ces politiques, nous avons besoin d’une administration forte, reconnue et agile. Et j’en profite pour dire ici ma reconnaissance à l’égard des administrations dont j’ai l’honneur de diriger l’action, et leurs agents. Ma fierté aussi de les voir porter avec engagement nos politiques publiques au service de notre pays et des secteurs économiques que vous représentez.
Ce cap rappelé, cette méthode posée, j’en viens naturellement aux grandes priorités de mon ministère.
Mon premier objectif est de faire du maritime un levier de notre souveraineté, dans toutes ses composantes, et dans un environnement qui la met à l’épreuve.
La souveraineté, c’est d’abord la maîtrise des espaces maritimes sous notre juridiction et des chaînes logistiques qui conditionnent nos approvisionnements.
D’elles dépendent toute notre économie et, au fond, le quotidien de nos concitoyens. Même si beaucoup n’en ont qu’une conscience diffuse. L’énergie qui alimente la majorité de nos véhicules, nos biens de consommation courante, les flux de données qui alimentent nos terminaux numériques…Tout cela, vous le savez, repose sur le transport et des infrastructures maritimes.
C’est également pour sécuriser notre souveraineté que le Gouvernement a prévu le renouvellement des moyens de notre Marine nationale dans le cadre de la nouvelle loi de programmation militaire 2024-2030.
Je veux, à cet égard, et devant le chef d’état-major de la Marine, souligner le travail de nos équipages et de nos bâtiments qui défendent les intérêts de notre pays et le droit international sur tous les océans. De l’accompagnement de nos navires de commerce dans le golfe d’Aden, à la lutte contre le narcotrafic dans les Caraïbes, en passant par le sauvetage en mer des migrants au large du Pas de calais où ils interviennent aux côtés des services de mon ministère, nous leur devons beaucoup. Et je tenais, à l’occasion de ces assises, à leur exprimer la reconnaissance du Gouvernement et celle de l’ensemble de notre communauté maritime.
Marine nationale et marine marchande ont toujours eu partie liée. C’est la raison aussi pour laquelle je fais de la politique de soutien à notre pavillon, dans toutes ses composantes, une priorité absolue de mon ministère. Elle repose sur un cadre fiscal et réglementaire cohérent, équilibré, qui a fait ses preuves. Il ne peut pas être totalement étranger aux efforts budgétaires qui visent au redressement de nos finances publiques, qui affectent tous les secteurs de notre économie. Mais la taxe au tonnage, les exonérations de charges en faveur de nos armements les plus exposés à la concurrence internationale, et notre régime de soutien aux investissements constituent un cadre cohérent. Et cette cohérence doit impérativement être préservée.
Renforcer la complémentarité de nos marines au service de la résilience de notre nation : c’est également tout le sens du concept de la flotte stratégique.
Il prend désormais une forme opérationnelle, sur la base des travaux du député Yannick Chenevard et grâce à la déclinaison de certaines de ses recommandations, engagées sous la coordination du Secrétaire général de la mer, dont je veux saluer le travail.
Mon ministère et mon administration sont déjà en première ligne. Et je veillerai à ce que l’ensemble des actions qui ont été identifiées soient mises en œuvre dans les mois à venir.
Une autre dimension de notre souveraineté c’est notre indépendance énergétique. J’ai annoncé le 18 octobre dernier, aux côtés de ma collègue, la ministre chargée de l’énergie Olga Givernet, l’ambition inédite du Gouvernement en matière de déploiement des énergies marines. Ces annonces étaient très attendues par la filière, et je me félicite qu’elles interviennent dans un climat apaisé, sur la base du débat public qui s’est déroulé pendant près d’un an sous l’égide de la Commission Nationale du Débat Public (CNDP). Cette concertation qui se prolonge dans nos instances de gouvernance maritimes.
Elle se traduira en 2025 par le lancement du 10ème appel d’offre de l’Etat pour le développement de la production éolienne en mer, qui portera sur une puissance de l’ordre de 9 GW. Cet objectif de transition énergétique en faveur de la décarbonation se double d’une ambition maritime et industrielle. En 2050, l’éolien en mer pourra représenter 20 % de notre production d’électricité, soit l’équivalent de la production de 13 EPR de deuxième génération. L’éolien en mer est une chance pour nos territoires comme pour notre industrie et, plus largement, notre économie maritime.
Notre politique maritime sert aussi notre souveraineté alimentaire : c’est la vocation fondamentale de nos secteurs des pêches et de l’aquaculture. Et nous ne pouvons pas perdre de vue que nos concitoyens n’ont jamais été aussi demandeurs de produits de la mer, alors que ces filières ont rarement été aussi vulnérables. Cela nous impose un sursaut, tant à l’échelle nationale et locale qu’européenne.
Tout d’abord pour défendre le secteur conchylicole, sévèrement éprouvé par les crises, notamment sanitaires, particulièrement dans ce département de la Gironde. Je souhaite progresser dès 2025 sur plusieurs des propositions formulées par le groupe de travail du conseil national de la mer et des littoraux sur la qualité des eaux littorales, piloté par Sophie Panonacle et Philippe Le Gal, pour renforcer la résilience du secteur. J’en citerai notamment trois, qui nécessitent de travailler en lien étroit avec les professionnels, nos services et opérateurs, et avec les collectivités locales.
D’une part, la création d’un fonds sanitaire conchylicole, en lien avec les régions, pour accompagner les entreprises dans l’installation de bassins de purification. D’autre part, l’adaptation de nos outils et de nos procédures de suivi sanitaire concernant le risque norovirus. Enfin, la tenue annuelle d’assises de la qualité des eaux côtières, avec la profession, les collectivités littorales et nos opérateurs. Car nous ne réussirons à traiter le problème à la racine qu’en mobilisant tous les acteurs, comme nous le voyons ici en Gironde, sur le bassin d’Arcachon.
Et puis il y a la pêche. L’intitulé de mon ministère traduit l’importance toute particulière que l’Etat reconnait à ce secteur au titre de sa contribution à notre souveraineté alimentaire, à notre économie maritime et à nos littoraux. Il traduit la volonté d’adresser à cette filière, et aux femmes et aux hommes qui la font vivre et qui en vivent, un message de confiance. Ils en ont besoin.
J’y prendrai toute ma part en défendant d’abord l’urgence du renouvellement de notre flotte de pêche, dont l’âge moyen atteint un niveau objectivement insoutenable pour la rentabilité de nos entreprises comme pour l’attractivité du métier, dans l’hexagone et en outre-mer. Ce chantier renvoie à des enjeux multiples, notamment financiers et réglementaires. Après seulement deux mois en fonction, je veux simplement dire que je porterai une demande d’évolution des règles qui entravent actuellement la modernisation de notre flotte dans le cadre de la révision de la politique commune des pêches (PCP).
Dire aussi, dans le droit fil des travaux de mes prédécesseurs et des propos du président de la République devant vos assises, que je souhaite faire du développement des énergies marines dans nos eaux un levier de la modernisation de notre flotte et de la décarbonation du secteur. Et je porterai des propositions en ce sens dans les prochains mois.
Ensuite, j’ai eu l’occasion de le rappeler récemment, notre pêche est plurielle, et elle doit le rester. Je crois dans l’avenir de ce secteur, comme je crois dans la complémentarité de ses composantes. Et ce serait une erreur d’opposer notre petite pêche et notre pêche au large. Parce que chacune concourt à la vitalité de nos littoraux, à l’équilibre de notre filière, et à l’avenir de la profession de marin pêcheur et des emplois qui en dépendent à terre. La criée du Grau-du-Roi que j’ai visitée vendredi dernier n’est viable pour la petite pêche que si les chalutiers continuent à travailler dans le Golfe du Lion. Et ce sont les représentants des petits métiers qui le disent en premier !
Dès lors qu’elle s’exerce dans des conditions durables – celles de la politique Commune des Pêches - et qu’elle est créatrice de valeur pour notre filière, je soutiendrai la pêche hauturière comme je soutiens, de toute mon énergie, notre pêche artisanale et côtière.
Ce soutien, il ne doit pas, et ne peut pas, se limiter à la gestion d’une succession de crises. Il nous faut impérativement engager des réformes structurelles pour renforcer la résilience de la filière et assurer sa contribution durable à notre souveraineté alimentaire, et à la vitalité de nos littoraux. C’est le sens du contrat de modernisation de la pêche annoncée par le président de la République aux dernières assises, et initié par mon prédécesseur en lien avec France Filière Pêche et le comité national des pêches maritimes et des élevages marins, dont je salue les représentants.
Alors que l’État et les régions ont présenté leurs propositions, je sais qu’ils mettent la dernière main à leurs propres contributions. Je souhaite que nous puissions aboutir très rapidement, dès le premier trimestre 2025, à une vision partagée, qui dégage des priorités d’action coordonnées. Pour dire, collectivement, chacun à sa place et dans sa responsabilité, que nous croyons dans l’avenir de ces métiers et de cette filière.
Sans attendre, j’annonce que l’État soutiendra la création d’un observatoire économique des pêches, à la gouvernance duquel la filière sera associée.
Il permettra de renforcer le suivi économique des différents maillons du secteur, et sera un outil d’anticipation et de gestion des crises, en contribuant à offrir à l’ensemble des acteurs une meilleure vision du marché et de ses évolutions.
A quelques jours du conseil des ministres de l’Union européenne sur les « TAC et quotas », je veux aussi souligner la forte mobilisation de la France dans ces négociations. Et j’aurais la même attention concernant l’évolution de notre relation et celle de l’Union européenne avec le Royaume-Uni, pour préserver les intérêts de la pêche française et européenne dans le cadre de l’accord de commerce et de coopération qui nous lie désormais à ce partenaire important. J’ai déjà eu l’occasion de m’entretenir avec mon homologue britannique, et il s’agit d’un dossier auquel le Premier ministre m’a personnellement demandé de veiller avec la plus grande attention.
Mon second grand objectif, au-delà de faire de notre secteur maritime un levier de souveraineté, est de parvenir à conjuguer nos ambitions économiques et écologiques, sans renoncement et sans candeur. Parce qu’une économie maritime dynamique, innovante, créatrice de richesse et d’emplois peut constituer un puissant levier de transition écologique. Et parce que pour être durable, notre économie maritime doit mettre la préservation du milieu marin au cœur de son logiciel. Développer ET préserver : ce sont les deux faces d’une même médaille.
Et le monde maritime et ses acteurs en sont particulièrement conscients, parce qu’ils sont souvent directement tributaires de la qualité du milieu marin, qu’ils évoluent tous les jours à son contact et que, mieux que tout autre, ils constatent les effets de sa dégradation.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement soutient le renforcement de notre réseau d’aires marines protégées à travers le processus de labellisation des zones de protection forte, dès 2025, comme dimension essentielle de notre planification maritime.
Je veillerai à ce que l’ensemble des acteurs y soit bien associé, et à ce que les décisions de désignation de ces espaces soient assumées en toute transparence.
A titre d’illustration de cette ambition, en lien avec ma collègue en charge de la transition écologique, je soutiendrai notamment la création dès le premier semestre 2025 d’une nouvelle réserve naturelle nationale des îles Eparses, dans l’océan Indien. Comme je soutiendrai le projet de réserve naturelle nationale du Roc du Brescou, au large du Cap d’Agde.
La préservation de nos océans passe aussi et surtout par la lutte contre le changement global. C’est le sens de notre politique de soutien aux énergies marines, que j’ai déjà évoquée, mais c’est également celui de la décarbonation de notre transport maritime, et je sais les efforts demandés à nos armements, à nos industriels, à nos énergéticiens, à notre tissu de TPE/PME et à nos acteurs portuaires, et les moyens considérables qu’ils y consacrent.
Sur ces sujets, nous ne disposons pas d’une solution unique, mais d’un faisceau de réponses. Surtout, nous disposons d’une boussole : c’est la feuille de route de la décarbonation du maritime, dont une version actualisée me sera remise cet après-midi par la présidente du cluster maritime français et par le DGAMPA.
Ce document stratégique comporte désormais des trajectoires claires pour la décarbonation des premiers segments de flotte tels que les gaziers, les portes conteneurs ou encore les ferries. Elles nécessiteront des investissements à la hauteur de nos ambitions. Aussi, je tiens à réitérer devant vous l’engagement déjà pris au plus haut sommet de l’État : une partie des recettes issues du système maritime d’échange de quotas d’émission sera affectée au soutien de la décarbonation du secteur.
Tenir ces objectifs de verdissement sera possible en maintenant le cap de l’innovation. L’innovation qui est au cœur du contrat stratégique de filière des industries de la mer adopté en mars dernier.
C’est pourquoi, je peux vous annoncer aujourd’hui, avec le soutien du Secrétariat Général pour l’Investissement, qu’un nouvel appel à projets, destiné à soutenir l’innovation consacrée à la décarbonation des navires, sera publié dès cette semaine, et doté d’une enveloppe de plusieurs dizaines de millions d’euros. Pour accentuer cette dynamique, il sera accompagné d’un nouvel appel à manifestation d’intérêt du conseil d'orientation de la recherche et de l'innovation de la filière des industriels de la mer (CORIMER).
En écho à mes propos sur l’importance de la science, je veux aussi dire quelques mots de la place que je souhaite donner au soutien à la formation et à l’innovation. Parce qu’il n’y a pas d’ambition durable pour nos secteurs économiques et qu’il n’y a pas de transition structurelle sans faire évoluer les compétences, le Gouvernement a souhaité soutenir fortement notre outil de formation maritime. Cela vaut aussi pour nos outre-mer : c’est tout le sens d’un plan de promotion des formations maritimes qui doit m’être proposé l’an prochain, ainsi qu’à plusieurs membres du Gouvernement, par une mission d’inspection. Ce plan permettra de recenser et de compléter l’offre de formation en faveur de l’emploi maritime, navigant et à terre, dans nos outre-mer, où l’« économie bleue » dispose d’un potentiel de développement particulièrement important.
La mutation et la décarbonation de notre secteur est en marche et elle se double d’une adaptation de nos outils de formation. J’y suis particulièrement attaché, et je veillerai notamment à ce que nous tenions les objectifs du Fontenoy du maritime, et le doublement du nombre d’officiers diplômés par l’ENSM à horizon 2027. Notre grande école dont je veux saluer le dynamisme et l’attractivité. De même que je salue le dynamisme de nos lycées professionnels maritimes.
Cette mutation doit également nous amener à repenser notre approche de l’attractivité des métiers du maritime. Cela se traduit par l’exigence que nous portons aux conditions de travail, et à la lutte contre le dumping social en particulier en Manche, mais aussi en Méditerranée.
L'année 2024 a été marquée par l'entrée en vigueur du dispositif Transmanche, fortement soutenu par nos parlementaires, et je salue Didier Le Gac pour sa proposition de loi qui a prospéré. Nous allons maintenir et accentuer nos efforts en la matière, notamment les contrôles nécessaires au respect d’une concurrence équitable.
Par-delà cette revue des priorités de mon ministère, je souhaiterais conclure sur les objectifs internationaux du gouvernement dans le champ maritime. Car la ligne bleue sur laquelle notre pays doit river son regard et mobiliser ses efforts pour asseoir son présent et se projeter dans l’avenir n’est plus celle que Jules Ferry situait dans les Vosges. Elle est celle de l’océan. De nos façades maritimes et de nos outre-mer.
Cette nouvelle ligne bleue, c’est celle des grands fonds marins, cette nouvelle frontière dont l’exploration débute tout juste et pour l’exploitation desquels nous souhaitons faire adopter un moratoire.
Celle de la haute mer et de sa préservation. C’est l’objet du traité international pour la protection de la haute mer et de la biodiversité marine (dit BBNJ), auquel la France a pris toute sa part, et dont la ratification est désormais en cours de finalisation.
C’est aussi celle de la gestion durable des ressources halieutiques. Par notre politique commune des pêches, je l’ai rappelé. Mais aussi en luttant résolument contre les activités de pêche illicites, non régulées, dite INN. Et en approfondissant le cadre multilatéral des organisations régionales de gestion des pêches. Et je suis heureux de confirmer que la France accueillera, en 2025, la prochaine session de la commission thonière de l’océan indien, qui se tiendra à la Réunion.
Sur tous ces sujets maritimes, mais aussi sur d’autres enjeux qui déterminent la qualité du milieu marin et la lutte contre le changement global, la France et l’Union européenne doivent porter des positions ambitieuses. Ce sera tout l’enjeu de l’UNOC, la troisième conférence des nations unies pour les océans que nous organiserons l’an prochain à Nice.
Avec mes collègues en charge des Affaires étrangères et de la Transition écologique, je m’emploie à préparer cette échéance diplomatique pour la mettre au service de réels progrès sur ces différents chantiers.
Seule face à ces immenses défis, la France ne peut rien, ou pas grand-chose. Mais forte dans une Europe forte, avec la voix originale et visionnaire qui a toujours été sa signature sur la scène internationale, elle peut promouvoir des réponses ambitieuses. Et ce qui vaut en matière de défense, d’industrie, d’énergie, ou encore de recherche vaut évidemment aussi pour le secteur maritime, qui englobe chacune de ces dimensions.
C’est tout cela que traduit la communauté maritime réunie aujourd’hui à Bordeaux et devant laquelle je m’exprime au nom du Gouvernement. Et c’est, je le réaffirme, ce qui me fait aborder mon engagement ministériel avec gravité, mais aussi avec détermination et combativité. Portons ensemble cette ambition en faveur de notre économie et de notre secteur maritime. Parce qu’il s’agit, au fond, d’une ambition pour notre pays et pour son avenir.
Mais cela suppose aussi de sensibiliser le plus grand nombre de nos concitoyens à l’importance des océans dans leur quotidien, pour les embarquer dans cette ambition.
L’engouement autour de la course au large ou l’implication de plusieurs dizaines de milliers de citoyens dans le grand débat consacré à la planification maritime démontre que l’intérêt existe. Mais il doit encore être amplifié. Ce sera le sens et l’enjeu de l’année de la mer, en 2025, dont je confirmerai le lancement dans quelques heures aux côtés de la présidente du cluster maritime.
Parce que, pour reprendre la belle formule du président de la République devant vos assises, en écho à celle d’un de nos grands marins, la mer est ce que les Français ont face à eux lorsqu’ils se tournent vers l’avenir. Et parce que par-delà la diversité des secteurs que vous représentez, de nos positions respectives, de nos origines, de nos aspirations, nous avons, et nous aurons toujours, la mer en commun.
Je vous remercie.