L'acidification des océans

Mis à jour le 23/01/2023

La France, présente dans tous les océans, possède le deuxième espace maritime et porte notamment la responsabilité d’écosystèmes particuliers. Par ailleurs, les secteurs de la pêche et de la conchyliculture représentent un poids économique important. La France est donc confrontée dès maintenant aux enjeux posés par l’acidification des océans. Pour autant, la littérature scientifique reste a priori peu développée sur ces enjeux à l’échelle du territoire national.

Les enjeux scientifiques

La grande difficulté consiste à appréhender l’ensemble des réponses des organismes et des communautés à l’acidification des océans sur le long terme compte-tenu de l’ensemble des facteurs entrant en jeu. Dans le cahier technique 75 de la convention sur la diversité biologique, plusieurs défis de recherche sont identifiés.

Le défi de la biogéochimie

Quelle rétroaction sur le cycle global du carbone va être provoquée par l’acidification des océans compte tenu des évolutions des écosystèmes et des cycles biogéochimiques ? Comment évolueront la production primaire et la production/dissolution du carbonate de calcium dans l’océan du futur et avec quelles conséquences sur la production exportée ?

Le défi de la physico-chimie

Comment va évoluer, à de multiples échelles de temps, la chimie des océans compte tenu des scénarios développés et des différents facteurs connus tels que température, salinité, évolution des courants marins,… Quelles seront les zones les plus touchées ?

Le défi de la physiologie et du comportement

Quels sont les grands mécanismes permettant d’expliquer les réponses moléculaires, métaboliques et comportementales des organismes face à l’acidification des milieux ? Ces mécanismes permettent-ils d’expliquer la grande variabilité interspécifique observée ? Permettent-ils d’estimer les potentialités de résistance des espèces ?

Le défi de la génétique

Comment passer d’études de court terme à des études sur plusieurs générations incluant les réponses des organismes et leur évolution ? Quel rôle joue le facteur génétique dans la résilience des écosystèmes marins et au final sur la biodiversité ? Quel rôle joue la génétique pour identifier des souches résistantes à l’acidification des océans ?

Le défi de l'écologie

Comment les études expérimentales peuvent-elles être transposées au niveau idoine d’écosystème dans lequel des communautés d’espèces différentes interagissent avec un environnement qui se modifie ?

Le défi socio-économique

Comment déterminer et évaluer la vulnérabilité des sociétés humaines à travers notamment les impacts, positifs ou négatifs, de l’acidification des océans sur l’ensemble des services écosystémiques, au-delà des services de production et de la seule évaluation monétaire et en tenant compte des réponses adaptatives des écosystèmes ? Quelles stratégies d’adaptation, sous toutes ses formes, peuvent-être développées en fonction des sociétés humaines concernées ?

Le défi des politiques publiques

A ce dernier défi, en complément du texte de la convention sur la diversité biologique, peuvent être ajoutées des questions de politiques publiques comme les formes, modalités et conséquences de la prise en compte de l’acidification des océans dans les négociations internationales de tous ordres (climat, accords commerciaux de pêche, conventions de mers régionales, assistance aux réfugiés…), les stratégies internationales d’observation et de recherche sur l’acidification ou le développement de mécanismes financiers spécifiques aux océans et à la protection des écosystèmes marins. L’ensemble de ces éléments fait aussi écho aux modalités et aux formes de gouvernance nationale et internationale pour gérer ces problématiques.

Dans tous les défis se pose aussi la question d’une approche multifactorielle, cumulative ou multi-stress sur l’océan et ses écosystèmes avec les pollutions d’origine tellurique, l’exploitation des ressources…

Enfin, un défi de nature différente réside dans la capacité à mailler les océans d’un système complet de mesures des variables liées au cycle du carbone en utilisant des moyens innovants.

Les propositions de recherche

Le ministère, en clôture de la conférence internationale sur la biodiversité et le changement climatique (Guadeloupe, octobre 2014), a annoncé le lancement d’un appel à projet de recherche sur l’acidification des océans et ses conséquences.

Pour mettre en œuvre cette mesure d’une importance capitale pour les départements et collectivités d’outre-mer, le ministère avec l'appui de la fondation pour la recherche sur la biodiversité a publié un appel à proposition de recherche.

L’appel, lancé en septembre 2015 et clos le 30 octobre 2015, a reçu 18 propositions de recherche.

La cartographie des projets reçus

Les 18 projets reçus sont très bien répartis dans les eaux mondiales : océan atlantique, océan indien (île de la Réunion), océan pacifique (Papouasie Nouvelle Guinée, Polynésie française, Nouvelle-Calédonie), océan glacial arctique et bassin méditerranéen.

Les thèmes de ces projets balayent globalement le spectre de l’appel à proposition de recherches, de la compréhension des impacts de l’acidification (sur le plancton, les algues, les cnidaires, les mollusques et les poissons), à leur modélisation en passant par l’observation et la cartographie du phénomène.

L'évaluation et le financement des projets de recherche

Les critères d’évaluation des projets par les experts étaient :

  • L'intérêt scientifique et le caractère innovant du projet par rapport à l’état de l’art international, aux références bibliographiques sur le sujet et au positionnement stratégique par rapport à d’autres projets.
  • La qualité scientifique et technique du projet et la qualité de la démarche et de la méthodologie. Approche interdisciplinaire, articulations effectives ou potentielles entre les différentes disciplines impliquées.
  • La constitution du consortium : références de l’équipe et adéquation des compétences réunies au programme de travail (travaux antérieurs, liste de publications, implication de doctorants dans le projet…), management du projet, ouverture internationale.
  • La faisabilité : adéquation des moyens aux objectifs et cohérence des délais et des budgets par rapport au programme de travail proposé. La durée moyenne des projets attendus est de 36 mois (24 mois minimum, 42 maximum), et les budgets demandés sont au maximum de 200k€. La part de contribution sur ressources propres des organismes qui sollicitent des subventions est examinée.
  • La dimension nationale, régionale et internationale, et les échelles d’élaboration et de mise en œuvre des actions publiques.
  • Le caractère opérationnel et transférable des résultats attendus, modalités d’interaction avec les acteurs. Capacité à générer des enseignements généraux à partir de l’étude de cas.
  • La valorisation envisagée auprès de la communauté scientifique et des acteurs de l’action publique.

Au final :

  • 8 projets classés A pour un montant total de 1,4 million d'euros
  • 5 projets classés B qui présentent quelques déficiences pouvant être corrigées
  • 5 projets classés C qui ne sont pas en phase avec l'appel ou qui sont encore immatures

Les thèmes abordés par les projets classés A portent sur :

  • La cartographie et la modélisation régionale de la chimie de l’eau de mer.
  • L'évaluation des impacts de la température et du pH sur des écosystèmes avec des réseaux complexes de cyanobactéries fixatrices de CO2.
  • L'impact de l'acidification sur les récifs coralliens.
  • Les impacts du changement climatique et de l'acidification sur le cycle de vie de l’ormeau.
  • L'impact de l'acidification et de la contamination au mercure sur la seiche.
  • L'impact de l'acidification sur les coccolithophores.
  • L'impact de l'acidification sur l'huître creuse et l’huître perlière.
  • L'impact de l’acidification sur les poissons et réponse adaptative.

Les meilleurs projets font l’objet d’une recherche de financements externes avec l’appui de la fondation pour la recherche sur la biodiversité.

Les échanges recherche-action

Avec l’appui de la fondation pour la recherche sur la biodiversité et grâce au soutien de l’institut océanographique fondation Albert 1er, Prince de Monaco, le ministère a organisé une session d’échanges sur les enjeux de recherche relatifs à l’acidification des océans dans le contexte global du changement climatique.

Cette journée, labellisée COP21, a rassemblé scientifiques et parties prenantes, dont des professionnels de la pêche et de l’aquaculture, et a notamment permis de faire le point sur l’état des connaissances, les savoirs empiriques, les enjeux de recherche et les financements potentiels sur l’acidification des océans au travers des échanges à différents niveaux, entre scientifiques le matin, avec les parties prenantes, puis avec le grand public l’après-midi.